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La taverne du Griffon Noir

Blog d'un passionné d'écriture

L'Hermite - Tome 1 : La malédiction du corbeau- Chapitre 8

Héliopolis dormait.

La Taverne du Griffon Noir avait plongé totalement dans l’obscurité.

Dehors régnait un silence lourd, pesant, voir inquiétant.

Un bruit très léger se fit entendre.

Aussi léger que le trottinement d’une petite souris.

Pourtant il était perceptible.

L’Ombre, mieux que quiconque l’avait entendu.

Depuis des semaines qu’elle était postée là, elle n’avait jamais entendu ce bruit.

Quelque chose se préparait.

Elle en était certaine.

Le trottinement léger venait du promontoire qui surplombait la terrasse, là où quelques heures auparavant, l’Hermite s’était accoudé pour réfléchir.

Intriguée, elle se rapprocha.

Elle le regretta bien vite.

Elle entendit une légère tension dans l’air mais sentit quelques instants plus tard une brulure atroce lui déchirer le côté.

L’Ombre tenta d’apercevoir quelque chose mais dans l’obscurité, elle ne vit rien.

Sa vue se brouillait de plus en plus.

La douleur était de plus en plus insoutenable.

Inquiète, l’Ombre se toucha le côté.

Il était poisseux, visqueux, un flot de sang coulait de manière continue de sa blessure.

Ainsi donc le lieutenant Ael Comyn allait mourir comme cela, comme un chien, sur la terrasse d’une taverne ?

Cela ne pouvait se concevoir, surtout pour l’un des représentants d’une famille si illustre que la sienne !

Qui avait voulu l’assassiner ?

Etait-ce lui qui était visé personnellement ?

Sa famille ?

Quelqu’un qui souhaitait replonger le monde dans le chaos de la guerre et de la destruction ?

Le Vieux Gnome était il visé ou l’Hermite ?

Il n’en savait rien.

Il devait comprendre.

Le temps tournait.

Il tenta de se relever mais au moment où il se mit debout, une flèche l’atteignit à la gorge.

Il battit l’air quelques secondes avant de s’écrouler face contre terre, dans une mare de sang.

Mort.

Telle fut la constatation que fit son adversaire en lui pressant la nuque afin d’en vérifier le pouls quelques secondes plus tard.

Un hululement de chouette retentit soudain.

Une douzaine d’ombres avancèrent sur la terrasse à pas lents en direction de « l’Antre » du gnome.

Cela faisait quelques temps qu’ils avaient repéré les lieux.

Celui qui les envoyait leur avait donné des instructions bien précises et pour cette petite troupe de gens incultes, qui avaient eu bien souvent comme seule éducation, la vie âpre de la rue, des prisons ou des arènes, les considérations hautement scientifiques de leur commanditaire étaient pour ainsi dire compréhensibles que de lui-même.

Ce qui comptait c’est qu’ils étaient grassement payés pour cette mission.

Leur chef de meute avait aperçu l’Hermite déambuler quelques heures plus tôt sur la Place de Héros.

Ils savaient donc qu’ils devaient agir vite.

D’après les informations dont ils disposaient, ce dernier logeait chez ce vieux fou de Gnome, au quatrième étage du pavillon.

Ils entrèrent enfin dans la maison.

Une partie de la troupe s’attarda à scruter attentivement les différentes collections qui ornaient le salon tandis que l’autre partie commençait déjà à gravir à pas de loup les étages afin de trouver l’Hermite.

Ce dernier dormait à poings fermés.

Le périple avait été long, laborieux, épuisant.

Dans son esprit brumeux, dansaient des images tantôt floues, tantôt distinctes de sa vie : son enfance comme écuyer à la Cour d’Héliopolis auprès du Grand Prince Hiram Sherkim, ses rencontres secrètes avec la délicieuse Sirthaal, son apprentissage difficile au sein de la Citadelle Ecarlate de Vorroz dans les montagnes inhospitalières de Vadok, au sein de l’empire des Hommes de Theren et enfin cet événement qui avait bouleversé sa vie à jamais et qui avait failli lui couter sa vie et sa carrière dans le même temps.

A cet instant, sa respiration devint plus saccadée, sa gorge se serrait, son esprit se fermait, son corps était couvert de sueur et de grosses larmes ruisselaient sur son visage buriné par les épreuves, les souffrances et les années…

C’est à cet instant précis que la troupe poussa la porte de la chambre.

Ils étaient armés jusqu’ aux dents, la mine patibulaire, les pupilles dilatées de haine et de convoitise.

Un volcan montait lentement dans leurs entrailles.

Un océan de triomphe, de plaisir les submergeait en cet instant précis.

Eux, les petits riens d’une société qui n’accordait que de l’intérêt aux puissants, allaient grimper jusqu’à devenir les nouveaux piliers de la liberté, les nouveaux héros de Feldarin.

Du moins, c’est ce qu’on leur avait promis.

Afin que cette mission fut un succès, ils avaient tous trempé leurs armes dans le poison le plus violent qu’on puisse trouver à Feldarin : la ricine.

L’Hermite n’avait aucune chance de s’en sortir.

Le plus maigre d’entre eux s’approcha.

C’était à lui qu’incombait d’apporter le premier coup.

Ce qu’il ne savait pas c’est que le fonctionnement olfactif des Elfes de Sang était relativement très différent de celui de tous les peuples qui constituaient la fédération de Feldarin !

Dès que l’odorat de l’Elfe de Sang endormi détectait une odeur suspecte, l’organisme se mettait en alerte.

C’est ce qu’il se passa.

L’odorat du commandant elfique était particulièrement affuté.

L’odeur lui était particulièrement familière car il avait eu l’occasion de pousser ses recherches dans ces contrées de l’Ouest et du Nord qui avaient toujours été un sujet de grande inquiétude pour Feldarin.

Ainsi donc, Zaki Fregnum n’avait pas menti.

On cherchait vraiment à l’éliminer par tous les moyens, même en payant une troupe de brigands dépenaillés à prix d’or.

Il attendit que le maigre soit près de son visage avant de lui planter au fond de la gorge sa dague à la lame de diamant et sertie de pierres précieuses.

Profitant de l’obscurité et avec mille précautions, il allongea le cadavre sanguinolent du maigre sur la couche.

Cependant le cadavre était pesant et un mouvement brusque de l’Hermite fit tomber le corps dans un bruit sourd.

Le bruit de la chute fit réagir la troupe.

Elle pensa un moment que l’Hermite avait rejoint les royaumes sombres d’Abaddon mais comme saisi d’un doute, elle demanda à l’un de ses sbires d’accomplir la tâche ingrate de vérifier.

C’était un petit de taille, un gnome probablement qui fut choisi.

A vrai dire il n’eut pas le temps de faire grand- chose car l’Hermite lui fracassa le crane du pommeau de son épée.

Il tomba la tête la première sur le cadavre de son compagnon.

Un vent de surprise et de colère parcourut la petite troupe.

Ainsi donc l’Hermite avait mis à terre deux de leurs hommes, deux des plus expérimentés dans l’art de tuer de surcroit.

Cette fois-ci, il n’y aurait pas de quartiers.

L’Hermite allait devenir un cadavre méconnaissable.

Enfin, c’est ce qu’ils pensaient.

Le commandant Sindar Feanor n’était pas à son premier combat.

Ce n’était pas la première fois qu’il tombait dans un piège et ce n’était pas la première fois qu’on l’attaquait dans son sommeil.

Il avait combattu lors de la Grande Guerre, notamment lors de la bataille de Vael Moren où il avait touché mortellement d’un carreau d’arbalète à la tête le maréchal Dariush Sherkim.

Un début de victoire qui s’était soldé en fin de compte pour les Elfes de Sang comme une terrible défaite car ils n’avaient pas anticipé la charge des Nogai et des Nains venus prêter main forte aux Maekirs et qui s’étaient révélés lors de la bataille de redoutables guerriers.

Comme tant de valeureux guerriers, il avait failli succomber mais l’aide providentielle d’un chevalier mystérieux à l’armure étincelante l’avait sauvé d’une mort quasi certaine.

Chaque jour, il pensait à ce valeureux guerrier et chaque jour, il se demandait qui se cachait sous ce heaume si richement décoré.

Désormais il était prêt à affronter ces gens.

Il était seul face à dix adversaires lourdement armés mais il savait que la rage qui l’animait lui donnait la force d’une armée de dix mille hommes rangés en ordre de bataille.

Vif comme l’éclair, il esquivait les coups et en portait.

Il aimait cela.

Il y prenait plaisir.

Il n’avait jamais retrouvé ce guerrier.

Tout ce qu’il savait, c’est qu’il lui devait la vie.

A l’un, un costaud, il lui enfonça son épée jusqu’à la garde et l’enleva dès que ce dernier commençait à hoqueter du sang et de la bile.

A un autre, il l’étrangla au moyen d’un bout de drap qu’il lui noua autour du cou tandis qu’à un autre encore, il l’égorgea d’un revers de lame.

Cinq étaient déjà à terre, baignant dans un amas informe de sang et de bile.

Les autres étaient en retrait.

Ils n’avaient pas anticipé une telle charge de la part d’un adversaire qu’ils étaient censés trouver endormi.

Ils essayèrent d’établir une stratégie mais l’Hermite les bouscula, les força dans leurs retranchements et dague d’une main et épée de l’autre, il les fit sortir de la chambre.

Le commandant Sindar Feanor ferma à la porte à double tour.

Il pouvait être tranquille quelques instants, le temps de trouver une issue afin de s’échapper.

La chambre avait une fenêtre qui donnait sur un chêne qui donnait sur la terrasse.

Il pouvait l’escalader et s’échapper par ce biais.

Toutefois, il devait se dépêcher car les coups redoublés contre la porte menaçaient de la faire s’effondrer d’un moment à l’autre.

Il se précipita vers la fenêtre.

La terrasse était à près de deux cents pieds et le chêne était loin d’être atteignable à cause de la pluie et de la neige qui l’avait rendu humide et extrêmement glissant.

L’Hermite soupira.

Il devait se rendre à l’évidence : la meilleure option était de se mesurer à cette troupe.

Il savait qu’il avait bien plus de chance de s’en sortir qu’en sautant par la fenêtre.

Il les avait observés.

Ils n’étaient pas entrainés pour des combats de haute intensité.

Ils avaient été plutôt recrutés sur leur talent indéniable pour accomplir de basses œuvres.

Les linteaux craquèrent et sous le poids des assaillants, la porte céda.

Trois tombèrent sous l’épée de l’Hermite sans qu’ils ne purent réagir.

Ces trois morts au lieu de créer de la discorde dans la troupe soudèrent les rangs.

Il suffisait que l’un d’eux le touche, même en le blessant très légèrement pour que le poison fasse son œuvre.

Ils savaient que l’Hermite allait mourir.

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