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La taverne du Griffon Noir

Blog d'un passionné d'écriture

L'Hermite - Tome 1 : La malédiction du corbeau - Chapitre 5

Tapie derrière un bosquet, « l’Ombre » n’avait pas perdu une miette de la scène.

Elle était au courant des moindres faits et gestes de la capitale.

Ce n’était pas pour rien que la guilde des Analystes l’avait placé là à observer ce vieux fou d’Haed Fregnum.

Le personnage intriguait au plus haut point.

Malgré les recherches minutieuses qu’il avait fait à son sujet, il n’avait récolté que des bribes d’indices, que des choses que tout le monde savait déjà sur son compte : un épicurien avide de plaisirs artificiels et affabulateur la plupart du temps.

Une réputation que les gnomes trainaient depuis la nuit des temps.

C’étaient des commerçants à l’esprit libertaire qui au milieu d’empires, de royaumes ou de principautés avaient établi un système qui allait à l’encontre des principes établis : la république.

Un système qui établissait une égalité stricte entre les gens, donnant le même accès aux ressources aussi bien culturelles, intellectuelles, spirituelles, occultes et matérielles.

Il n’y avait pas d’esclaves comme chez les Hommes, une hiérarchie complexe de classes sociales comme chez les Maekirs, une mentalité de clan comme chez les Zahran, les Tauren, les Cirth ou les Nains ou des consortiums comme chez les Eredars ou les Draenei ou encore un empire fédéral de principautés comme chez les Nogai ou chez les Pandaren.

Cette différence de taille pouvait occasionner des incompréhensions et des conflits mineurs entre les différentes nations qui composaient ce monde fédéral de Feldarin.

Peut-être que ces élans démocratiques avaient influencé fortement Haed Fregnum à tel point qu’il était devenu aux yeux de tous ceux qui le fréquentaient purement ingérable.

Sa famille le méprisait, la plupart des gens lui tournaient le dos ou le considéraient comme un fou depuis sa mystérieuse disparition.

Ah cette disparition …

Même les enquêteurs les plus chevronnés de Feldarin s’y étaient cassés les dents.

Chacun avait envoyé des Analystes, des Hermites, des Sentinelles et même des Assassins mais tout le monde était revenu bredouille ou n’était pas revenu du tout.

Après tout, pourquoi s’intéresser à un gnome qui ne remplissait que le rôle d’un tavernier ?

Il n’était que tavernier dans la plus grande taverne de Feldarin certes mais ce n’était qu’un tavernier pas un Hiérophante, un haut dignitaire ou même un représentant de quelque famille illustre.

Il racontait des histoires, proposait des services, buvait, mangeait, baisait, se laisser aller à des orgies mêlées d’indigo et d’ouroboros.

C’était tout.

Rien de plus.

Il y eut un avant et un après cette disparition.

Un jour, il revint.

Mais ce n’était plus lui-même.

Il avait changé.

Le monde avait changé.

Son fils ainé Zaki, âgé de douze ans à l’époque, avait repris les affaires.

C’était désormais un homme de trente-quatre ans, dans la force de l’âge, un redoutable homme d’affaires qui avait accru le commerce de son père en propageant ce concept de taverne à tout Feldarin.

Désormais, chaque village, chaque ville et chaque capitale possédait sa propre taverne.

Zaki n’était pas seulement devenu une autorité dans tout Feldarin, c’était devenu également un père de famille aimant à la tête d’une petite tribu de sept enfants qui tenaient pour l’intelligence et le caractère de leur mère et du physique de leur père.

La dynastie Sherkim avait dû faire faire face à un deuil particulièrement douloureux : le fier Hiram Sherkim n’était plus.

Il avait été emporté par une très brève maladie mais certaines mauvaises langues parlaient d’un empoisonnement par son fils Mirza qui rongeait son frein depuis tant d’années et dont les rapports avec son père s’étaient considérablement détériorés ces dernières années.

Melchior, l’artiste de la famille, présentait son premier livre, les mille et une vies d’Eskander Faholinn à la librairie du Serpent Rouge, tenu par le vieux Draenei Adamus Koelvagh, libraire de son état depuis trois générations, quand il s’effondra subitement, frappé d’un mal mystérieux qui l’acheva en à peine une demi-heure.

Enfin Priya, une des plus jeunes filles de la dynastie Sherkim et sportive accomplie, fut retrouvé par un passant en charpie dans le gouffre de Logath, le gouffre le plus dangereux qui soit à Feldarin et qui se trouvait en plein cœur du territoire des Hommes.

Est-ce que toutes ces morts étranges coïncidaient avec la prophétie qu’une voyante Eredar avait proféré à l’égard de la famille Sherkim, bien avant la Grande Guerre ?

Personne ne le savait vraiment mais tout ceci n’était qu’un fatras de coïncidences pour le moins singulières qui ajoutaient du cachet à la légende de cette famille si puissante.

Oh que cette famille avait changé le cours de son existence !

Elle avait littéralement basculé le cours de l’histoire.

Ce mariage sanglant, cette Grande Guerre qui vit Dariush et Mirza, les deux ainés Sherkim se couronner de gloire aux batailles de Raelgaroth face aux Eredars, d’Halazan face aux Draenei, de Vael Moren, d’Irystall et d’Aelmethyl face aux Elfes de Sang, celles des mers d’Ifaren et de Dolmekan face aux Cirth, celles d’Urg-Valor et d’Orgomir face aux Tauren et enfin la plus sanglante de toutes, Carnarvon qui scella à jamais la destinée des Hommes dans les cendres, les larmes, le fer et le sang.

En y repensant, l’Analyste serra fermement dans ses mains Godslayer, l’épée de ses ancêtres dans ses mains gantées de fer frappée du corbeau, le symbole de sa guilde.

Il avait juré fidélité le jour de ses vingt-deux ans, après onze ans de préparation intense au sein de la citadelle de Morrink à quelques centaines de lieues de Xandor, la capitale d’Oniris, la patrie des Eredars.

Mais cette douleur était violente, elle était tenace.

Quelque chose criait vengeance.

Sa famille se mourait dans la honte, le déshonneur, la misère tandis que les Sherkim avaient assis un peu plus leur pouvoir sur le monde qui s’était uni sous le vocable des mondes unis de Feldarin.

Feldarin, encore une émanation démoniaque de ces Maekirs de malheur.

Quand allaient-ils donc payer pour ce qu’ils avaient fait ?

Désormais Mirza Sherkim était la patriarche de cette famille.

Il n’était pas seulement le patriarche de cette famille, il avait étendu son pouvoir dans d’autres domaines.

Il était derrière la puissance de la Taverne du

Griffon Noir.

C’était lui qui avait permis qu’elle s’accroisse et étende ses ramifications dans tout Feldarin.

C’était le Grand Marionnettiste.

C’était encore lui qui avait placé au pouvoir les Anarkim tandis que lui devenait le Président du Conseil, un rôle qui lui conférait tous les pouvoirs à Héliopolis, sur Mirzam et sur Feldarin de surcroit.

Il était derrière la nomination de Gulran Idrialsson, le Grand Archonte de Feldarin, une créature corrompue qu’il avait lui-même soudoyée.

On le devinait derrière les intrigues qui traversaient de part en part la Haute Société d’Héliopolis et des regrettables accidents qui s’en suivaient.

C’était lui le Grand Architecte de la Constitution des mondes unis de Feldarin, celui qui avait pensé créer un gouvernement mondial après une immense guerre dont il avait créé les conditions habilement.

On le devinait participer à des réunions ultra secrètes, avoir la main sur les plus puissants consortiums qui se disputaient âprement les ressources et la main d’œuvre de Feldarin.

Ce n’était pas pour rien qu’on appelait « le Lion Rouge ».

C’était assurément un prince incontesté et dont le pouvoir grandissait chaque jour d’avantage.

Par son expérience auprès de la guilde des Analystes, il avait compris que ce personnage haut en couleurs avait de très nombreux ennemis et des peurs très singulières.

Selon les dires d’une des servantes du palais des Sherkim qui avaient accepté de louer son corps pour une centaine de shers, quatre craintes agitaient en ce moment le fier Mirza Sherkim :

Une concernait un personnage mystérieux qui avait fait son apparition, le jour même de la disparition du maitre tavernier Haed Fregnum.

Un personnage dont personne ne savait rien et qui avait établi ses quartiers dans une somptueuse propriété à l’architecture baroque, près du port.

C’était la plus grande propriété de la capitale et même de Feldarin.

Elle s’étendait à perte de vue et regorgeait de forêts, de jardins, de champs, de collines, de mines, de montagnes, de lacs et de bâtiments.

On rapportait que ce personnage avait des dons extraordinaires dont celui de guérison.

Jusqu’à maintenant, tout le monde s’était cassé les dents sur son dossier qui ne mentionnait rien de particulier.

La deuxième crainte se rapportait au gnome.

Etrange car d’après ce qu’il comprenait sur la personnalité du tavernier, c’est qu’il était aussi saoul qu’affabulateur.

N’empêche que depuis son retour, il avait observé un curieux manège dans la demeure du gnome : des étrangers venaient à la nuit tombée chez lui et repartaient au petit matin sans qu’on sache ce qu’il en retournait et qui étaient ces gens.

La troisième crainte était une présence, un esprit, en tout cas une entité maléfique qui semblait avoir une emprise sur lui.

Toujours est-il que personne ne l’avait aperçu.

Enfin, d’après ce qu’il avait compris, le personnage le plus puissant de tout Feldarin avait le plus à craindre était la venue d’un enquêteur chevronné, un Hermite bien connu pour avoir résolu des affaires hautement complexes.

Pourquoi un Hermite ferait peur à un personnage aussi terrifiant que Mirza Sherkim, un guerrier redoutable qui avait trempé son épée dans le sang de tant de valeureux héros ?

Avait-il des choses à cacher ?

Il avait écouté attentivement la conversation entre l’Etranger et Zaki Fregnum.

Cet étranger ne semblait pas n’importe qui.

Il était là à cause d’une mission.

Il avait rendez-vous avec Haed Fregnum.

Quel serait l’objet de la conversation ?

Comme d’habitude, il ne le saurait jamais.

La vie allait suivre son cours.

Pourtant, la nuit était différente.

Une tempête s’était abattue sur la ville, en la plongeant pour la première fois de son existence dans l’obscurité la plus complète.

C’était loin d’être une coïncidence.

Quelque chose changeait.

Quelque chose de sombre arrivait.

Il le pressentait.

L’Etranger était là à quelques centaines de pas de lui.

Il semblait perdu dans ses pensées.

Un bout d’un moment, il prit un pas décidé et se dirigea vers un petit promontoire quelque peu surélevé qui dominait la terrasse de quelques pieds.

De là, il pouvait observer à loisir toute la capitale.

La lumière vive des lampadaires lui permettait d’observer la ville distinctement, comme en plein jour.

Il sortit l’enveloppe qu’il avait dans sa besace et en sortit un parchemin.

« L’Ombre » reconnut distinctement une carte.

Puis l’Etranger prit la lunette de cuivre qui se trouvait fixée dans un socle de fer sur le promontoire et l’appliqua sur son visage.

La carte indiquait distinctement quatre points précis reliés aux quatre éléments primordiaux.

Il avait atteint le premier élément, l’air et le premier point indiqué sur la carte : la Taverne du Griffon Noir.

Il ne lui restait qu’à trouver les trois autres.

L’élément Feu indiquait clairement un édifice sur les hauteurs de la ville et marqué par un lion de couleur pourpre.

Il vit distinctement le deuxième point qu’il recherchait.

Il ne put s’empêcher de blêmir.

Il reconnut le palais Regulus, la demeure ancestrale des Sherkim.

Pourquoi devait-il s’y rendre ?

N’avait-il pas failli se faire tuer quand il était retourné après la Grande Guerre ?

La famille Sherkim ne le tenait plus en haute estime.

Peut-être que le climat avait changé.

Que les choses s’étaient apaisées.

Mais rien n’en était moins sûr.

Quelqu’un avait mis un contrat sur sa tête et s’était offert les services d’une troupe de meurtriers.

Il devait se tenir sur ses gardes.

Cependant ce lieu méritait réflexion.

Il tourna un peu la lunette de cuivre et reconnut la Pyramide de Toth, le temple du savoir et le siège de la religion et de l’occulte dans la capitale.

Elle était marquée distinctement sur la carte par le symbole du serpent qui ramenait au savoir perdu et à l’élément terre.

Pourquoi devait-il s’y rendre ?

Il n’adhérait pas particulièrement aux pratiques des Eredars.

Enfin, le dernier élément.

L’eau.

Il devait chercher quelque chose en rapport avec l’eau.

La carte indiquait clairement un édifice, un globe, une épée, une étoile, un sablier et une boussole.

Autant de symboles qui renvoyaient à une dimension spirituelle, à une question de voyage.

Il appliqua de nouveau son visage dans la lunette et perçut distinctement ce qu’il cherchait.

Au loin, à l’Ouest, se trouvait le port de la capitale.

Il était immense et des bateaux de toutes tailles entraient et venaient continuellement.

Très près du port, se situait une immense propriété qui ressemblait à un chef d’œuvre d’architecture.

Qui en était le propriétaire ?

Pourquoi devait-il s’y rendre ?

Le message spécifiait uniquement une entrevue avec le maitre gnome Haed Fregnum.

Il devait tirer ces choses au clair.

Peut-être le gnome aurait-il des réponses à apporter.

La mission s’annonçait palpitante, dangereuse et bien plus complexe que prévue.

Ses supérieurs ne lui avaient pas menti.

C’était vraiment une mission taillée sur mesure pour lui.

Animé par de très grandes pensées, l’Hermite s’en alla à grands pas vers le pavillon du gnome.

Il était impatient de connaitre la suite.

De son coté, « l’Ombre », de son repaire, n’avait pas perdu une seule miette de la scène.

Il arborait désormais un sourire de triomphe.

Il avait compris qui était réellement l’Etranger qui avait observé un long moment la capitale, muni de la lunette de cuivre et de son parchemin.

Il n’était pas là par hasard.

C’était un Hermite et un Elfe de Sang.

Tout ce que redoutait Mirza Sherkim.

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