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La taverne du Griffon Noir

Blog d'un passionné d'écriture

L'Hermite - Tome 1 - La malédiction du corbeau -Chapitre 4

 

A peine eut-il franchi le seuil de la Taverne du Griffon Noir qu’il resta là quelques instants, muet d'admiration devant cet étalage d'esthétique et de luxe qui se déroulait devant ses yeux ébahis : en effet, chaque recoin, chaque boiserie, chaque statue et chaque salle et même chaque convive qui s'y trouvaient, reflétaient à la perfection ce cosmopolitisme bigarré et chatoyant dont toutes les autres contrées des mondes connus de Feldarin étaient friandes.

Ainsi donc on ne mentait pas quand on disait que la Taverne du Griffon Noir était le plus pur joyau d'Héliopolis et de surcroît de l'empire Maekir !

- Monseigneur, la taverne du Griffon Noir vous souhaite un agréable séjour en ses murs ! Que pouvons-nous faire pour satisfaire vos désirs ?

L’Hermite brutalement arraché à ses pensées, sursauta.

Intrigué, il se tourna vers celui qui l'avait apostrophé et l'observa attentivement de haut en bas : un gnome en livrée vert et or, à la perruque poudrée et aux chaussures à boucles d'argent.

- Merci beaucoup, mais serait-il possible de m'entretenir avec le maitre des lieux ?

Ce fut au tour du serviteur d'observer attentivement l'étranger :

Une lourde cape sombre couvrait tout son corps massif qu'on devinait couvert de cicatrices, aucun véritable signe distinctif à part des oreilles singulièrement pointues qui dépassaient très légèrement.

- Comme il vous plaira Monseigneur...

Le serviteur s'inclina et partit à si grandes enjambées que pour l'étranger qui venait d'arriver, il disparut en une fraction de seconde comme s'il connaissait avec perfection les tours de Maitre Elias Thornhill, une personnalité du monde de la nuit qui avait marqué toute son enfance.

Une demi-heure s'écoula ainsi avant que le serviteur revint avec le maitre des lieux.

Ce dernier était tout aussi petit, très maigre, vêtu simplement d'une chemise immaculée en soie, recouverte à la taille d'un épais tablier de cuir brun serti d'un griffon noir et chaussé de bottes de cuir ferrées qui faisaient un bruit de cliquetis métallique quand il marchait.

Il s'approcha et observa curieusement l'étranger et au bout de quelques instants de réflexion, finit par répliquer :

- Monsieur, je suis le maitre tavernier Zaki Fregnum. Mon employé m'a expliqué que vous souhaitiez vous entretenir avec moi. Que puis-je faire pour vous ?

L’Hermite se mordit les lèvres.

 - Est-il possible de m’entretenir seul à seul avec vous ?

Le Maitre Tavernier jeta un œil circulaire autour de lui afin de s’assurer que personne ne les écoutait puis ayant constaté que personne ne les observait même de loin, il haussa les épaules.

- Vous pouvez parler sans crainte commandant Sindar Feanor ! Il n’y a vous et moi …

Ce fut au tour de l’Hermite d’être surpris d’avoir été démasqué aussi facilement.

- Comment savez-vous qui je suis ?

Zaki Fregnum sourit.

- Il y a peu de gens de votre espèce qui osent s’aventurer ici. Mon père m’a amplement parlé de vous et à vrai dire, vous semblez depuis quelque temps un sujet de conversation récurrent ici à la Taverne…

- Ah oui ?

Le maitre tavernier acquiesça silencieusement.

- Il n’y a pas que les Hermites, les Assassins ou les Analystes qui ont leurs mouchards … J’ai également mes oiseaux qui me rapportent de bien curieux faits…

- Comme ? Il y a pourtant des années que je n’ai pas remis les pieds à Héliopolis …

- Oui pourtant votre venue est attendue comme celle du loup blanc j’ai bien l’impression ! Cette capitale est vraiment dangereuse… Il faut vraiment que vous vous teniez sur vos gardes…

- Que savez-vous sur ceux qui s’intéressent de très près à moi ?

- Tout ce que je peux vous dire, c’est ce que j’ai vu et entendu et ce qu’on m’a rapporté…Une douzaine de personnes peu recommandables se sont réunies il y a quelques semaines dans cette Taverne, Ils étaient au courant que vous veniez et ont été embauchés pour vous éliminer dans un regrettable accident…

Un regrettable accident ?

- Oui on voit Monseigneur que vous n’êtes pas encore mis au parfum des us et coutumes de la capitale ! Certains sont prêts à payer des fortunes pour débarrasser de personnes gênantes …  On appelle cela communément dans le jargon de la capitale des « accidents ».

- Et qui est chargé de ce travail ?

- Des professionnels du crime et du travestissement, la plupart du temps des Cirth ou des Hommes de la Guilde des Assassins. C’est un véritable business dans la capitale qui peut se monter pour les plus gros contrats à plusieurs milliards de shers !

- Des milliards de shers ! Mais qui peut se payer de tels services ? Répliqua l’Hermite en sursautant de surprise tellement la somme paraissait scandaleusement élevée à ses yeux.

Le maitre tavernier sourit tristement en hochant la tête nerveusement.

- Des gens très puissants contre lesquels nous ne pouvons rien malheureusement ou des puissants consortiums dont les ramifications sont tellement complexes et diffuses qu’il est impossible de retrouver le moindre commanditaire…

- Pourquoi auraient-ils peur de moi ? Qui suis-je à leurs yeux ?

Zaki Fregnum éclata de rire.

Un rire nerveux qui masquait une certaine inquiétude.

- Ne faites pas l’innocent commandant ! Le fait que vous êtes un Elfe de Sang est déjà pour eux une raison amplement suffisante de vous éliminer ! Le fait que vous soyez un enquêteur et pas des moindres en est une autre… Vous êtes quelqu’un de dangereux … Vous posez énormément de questions, vous analysez constamment les événements, les choses, les gens et vous établissez des corrélations là où la plupart de vos confrères n’ont rien vu de particulier !

- Et c’est pour cela qu’une horde de types à la mine patibulaire veut me supprimer ? Et quel est le montant du contrat inscrit sur ma tête ?

Zaki Fregnum arborait désormais une mine des plus graves.

- Ce n’est pas un jeu commandant… Celui qui a dû les payer doit avoir vraiment une haine envers vous ! Près de huit milliards de shers a été mis sur votre tête !

Ce fut au tour de l’Hermite de soupirer nerveusement.

Cette mission qu’on lui avait confiée s’avérait des plus complexes et des plus périlleuses.

Cela l’excitait autant cela l’angoissait.

  • Est-ce que je dois savoir autre chose ? Sur votre père par exemple … Car c’est bien le but de ma visite en ces murs.

Zaki Fregnum baissa la tête, mal à l’aise.

- Que dire de plus que vous ne savez déjà ? Mon père Haed tient à merveille sa réputation : un pervers narcissique, sans cesse la tête et le cul dans des paradis artificiels, un coureur de jupons invétéré, un alcoolique notoire, un affabulateur comme pas un à dans tout Feldarin, le prince des voleurs, un menteur comme un arracheur de dents et pour couronner le tout, un mauvais père et un mauvais mari… Sans parler de sa prédisposition naturelle à s’acoquiner de gens singuliers et à disparaitre dans la nature, emportant toutes les économies qu’une famille nombreuse a amassées à la sueur de son front pendant tant d’années, laissant par conséquent cette famille à la merci d’une armée de créanciers et d’une montagne de dettes ! Que voulez-vous savoir de plus ?

Cette fois, le jeune gnome était ivre de rage.

Son pied battait la mesure comme pour donner de l’éclat à sa colère qu’il peinait à contenir.

Cette fois-ci, l’Hermite était perplexe.

Le portrait que lui avait brossé le maitre tavernier n’était pas dénué de vérité.

Bien au contraire.

Le rapport mentionnait un personnage haut en couleurs, quelque peu singulier et qu’il fallait tenir à l’œil.

- Je vois Maitre Tavernier … Pour en venir aux formalités comme il est l’usage dans cette maisonnée, quel serait le cout de quelques nuits pour un personnage tel que moi et un cheval fourbu ?

Le Maitre Tavernier reprit son sourire poli qu’il arborait au début de la conversation.

- Rien… Mon père a grassement payé votre part et celle de votre cheval pour un long moment… Il doit vous avoir en haute estime… Ce qu’il ne réserve à personne, même pas à ses enfants !

Les derniers mots du tavernier sonnèrent comme une flèche empoisonnée aux yeux de l’Hermite qui ne releva pas.

Le but n’était pas de chercher des noises à tout le monde.

Il avait plus urgent à faire.

Le maitre tavernier ayant remarqué que l’Hermite n’avait pas relevé sa remarque, crut bon de continuer comme si de rien n’était.

- Puisque les formalités ont été remplies, il ne me reste plus qu’à vous indiquer vos appartements…

Et disant ces mots, le maitre tavernier suivi de son hôte, quittèrent l’immense entrée et s’engouffrèrent dans « l’Excelsior », une immense cabine de verre inventée par les Zahran et qui selon les dires, amenaient les convives au septième ciel en une fraction de seconde.

En l’occurrence pour le commandant Sindar Feanor, le septième ciel se situait tout en haut de la taverne du Griffon Noir.

Une immense terrasse surplombait la Taverne et delà on pouvait cerner avec la plus pure précision tous les points d'intérêt de la fabuleuse capitale des Maekirs et de Feldarin, Héliopolis.

Au centre de la terrasse, se situait un petit pavillon très coquet à l'architecture très baroque.

Le maitre tavernier sourit.

- Je comprends votre étonnement. Ce pavillon est un cadeau que le Grand Architecte Hiram Helvinaqar a spécialement conçu pour mon père. Il s’y réfugie fréquemment pour réfléchir, rêver, prendre de grandes décisions, rencontrer des invités de marque ou encore s’adonner à toutes sortes de plaisirs…

L’Hermite resta là, tout ébahi.

La Taverne du Griffon Noir réservait bien des surprises.

Il jeta un regard circulaire autour de lui.

Une allée de marbre blanc ornée de colonnades, parsemée d’un côté d’un jardin de roses et de l’autre d’un gigantesque verger qui regroupait pour ainsi dire toutes les formes de plantes comestibles qu’on pouvait trouver à Feldarin.

- Est-ce que vous savez quand il se présentera ?

Le Maitre Tavernier sourit nerveusement.

- Je n’en sais rien… Mais vous le saurez bien assez tôt. Voici vos clés, faites comme chez vous et si vous avez besoin de quoique ce soit, prévenez-moi ! Il y a une sonnerie dans toutes les pièces qui est reliée à l’accueil de la Taverne. Je vous souhaite un bon séjour Monseigneur parmi nous !

Et disant ces mots, le gnome remit un épais trousseau au commandant Sindar Feanor et tourna les talons prestement.

Le commandant Feanor voulut répliquer une formule habituelle de politesse mais il était tellement surpris par le comportement étrange du gnome et le parfum de mystère qui émergeait du lieu où il se trouvait qu’il resta là, muet.

Tout cela l’intriguait au plus haut point.

Un merveilleux séjour dans cette Taverne ?

Quelque chose lui disait que ce n’était pas forcément le lieu idéal pour y séjourner d’après ce qu’il avait appris.

Il ne croyait pas si bien dire.

Quelqu’un l’observait dans l’ombre.

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