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La taverne du Griffon Noir

Blog d'un passionné d'écriture

L' Hermite - Tome 1 : La malédiction du corbeau - Chapitre 15

 

Il régnait un brouhaha indescriptible quand l’Hermite rouvrit les yeux.

Tout en sueur, il s’épongea le front et découvrit avec épouvante que son visage était poisseux de sang.

Surement le coup violent que lui avait asséné un des Sentinelles qui l’avait mis dans un tel état.

 Ses souvenirs étaient aussi confus que quand il était revenu du comas.

Toujours est-il qu’autour de lui, une troupe d’hommes en armes s’affairaient.

 Sans ménagement, ils déplaçaient les meubles et les différents bibelots qui ornaient la pièce et de temps à autre, on entendait un bruit de verre ou de porcelaine retentir.

 Parchemins, bibelots, tissus, bijoux et autres artéfacts gisaient au beau milieu de la pièce, en vrac, dans le plus parfait chaos.

 Que faisaient -ils ?

 Que cherchaient -ils ?

En tout cas, il était le cadet de leurs soucis.

Affairés autour du cadavre de Virani Narmacil, toutes sortes de spécialistes conversaient à voix basse, tout en notant leurs observations sur des parchemins recouverts de peau.

- Alors enfin réveillé, l’Elfe ?

Une voix glaciale, métallique, dénuée d’émotions le fit revenir brutalement à la réalité.

Une voix aisément reconnaissable parmi une foule hétéroclite, un jour de grandes festivités dans la capitale.

 En cuirasse sombre, devant lui se tenait le maréchal Azog Ikkath, le commandant des

Sentinelles.

 Il arborait le même sourire de toujours, ce sourire étincelant de haine et de cruauté.

Ce n’était pas pour rien qu’une légende très sombre le suivait.

« Le Boucher », « le Massacreur », « l’Ecorcheur », « la Bête », « le Monstre », « le Démon », « la Mort », autant de qualificatifs qui imposaient d’amblée la crainte et le respect.

En effet, durant la Grande Guerre, il s’était illustré sur les champs de bataille dont la fameuse bataille de Vael Moren où sous son épée légendaire Hellreaver, bien des braves de grandes et puissantes familles Maekirs, Nogai et Nains étaient vaillamment tombés.

Il avait hérité de son peuple ce plaisir inné à la cruauté, au meurtre.

Mais lui n’était pas une brute.

Il aimait jouer, faire souffrir, torturer dans tous les sens du terme ses victimes, sans pour autant leur enlever cette dose infime d’espoir qui les maintenait en vie.

C’était un artiste du crime comme il aimait particulièrement le rappeler après une rasade à la taverne du Griffon Noir.

Sindar Feanor était comme écrasé par ce magnétisme sauvage qui émanait de ce personnage sombre.

Il n’osait pas le regarder.

Ce qui ne manqua pas d’amuser Azog Ikkath.

- Alors elfe, tu veux jouer ?

L’Hermite blêmit.

Il savait ce que cela voulait dire.

Il allait être le souffre-douleur, le jouet pendant un petit moment du Cirth.

Mais curieusement, Azog Ikkath ne semblait pas disposé à le torturer ce jour-là.

Enfin, pas pour le moment.

Sindar Feanor sentit la pointe de l’épée lui effleurer le visage.

La lame était comme le Cirth, glacée et tranchante.

Il releva la tête et vit Azog Ikkath le regarder fixement, un sourire cruel illuminait son visage où s’entremêlaient dans un savant mélange cicatrices et tatouages.

Le Cirth repartit dans un éclat de rire sadique.

Son épée continuait d’effleurer le visage de l’Hermite, lentement…

Azog Ikkath se baissa et se mit à la hauteur du visage de Sindar Feanor.

Les deux guerriers se toisèrent fixement quelques instants.

L’Hermite perçut étrangement dans les prunelles noires du Cirth de l’inquiétude, du respect et de la colère.

Un regard qu’il avait observé sur le champ de bataille quand ils étaient frères d’armes.

Un regard franc et sincère.

Le Cirth se massa la nuque quelques instants, visiblement, mal à l’aise.

Il jeta un regard bref dans la pièce.

Il connaissait la Guilde des Sentinelles.

Sa guilde était crainte et respectée non pas pour l’ordre et la paix qu’elle faisait régner dans les rues d’Héliopolis mais plutôt pour ses méthodes peu orthodoxes.

De la brutalité, du viol, des pillages, des intimidations envers les minorités, des assassinats même faisaient que la guilde était crainte.

Ses hommes attirés par l’appât du gain, étaient occupés à remuer bibelots, murs et meubles au fil de leurs armes afin d’y trouver un quelconque trésor.

Il était désormais tranquille.

Il baissa alors lentement son épée et se rapprocha lentement du lit où se trouvait l’Hermite.

Il ne put s’empêcher de frissonner en voyant l’état lamentable dans lequel se trouvait son ancien frère d’armes et ami.

Des larmes perlèrent sur son visage de vieux guerrier buriné par les cicatrices et les années.

- Franchement, Sindar, mais dans quel merdier t’es -tu fourré encore ?

L’Hermite baissa la tête, tristement…

- Le devoir m’a appelé ici.

- Le devoir ? Regarde toi ! Tu ne ressembles plus à rien !

- Oui… Mais tu me connais Azog … L’attrait du danger, du risque, l’amitié d’un frère…

- J’ai appris pour Arun… J’en suis sincèrement désolé ! C’était un homme d’une très grande valeur…

- Merci … Mais j’imagine que le chemin se termine ici pour moi ?

Le Cirth haussa les épaules, mal à l’aise.

- Ils veulent ta peau Sindar et cela malheureusement, je n’y peux rien…

- Est-ce que tu sais qui m’en veut ?

- Tes talents d’enquêteur hors pair t’a créé des ennemis redoutables mais également des amis puissants dans la Haute Société d’Héliopolis ! De vieilles rancœurs issues de la Grande Guerre ont refait surface et certains sont prêts à te faire payer le prix fort !

- Comme un contrat de plusieurs milliards de shers sur ma tête ?

Azog Ikkath acquiesça.

- Est-ce que le nom d’Aleister Wheishaupt te dit quelque chose Azog ? Est-ce qu’il a quelque chose à voir avec ça ?

Le Cirth écarquilla les yeux d’épouvante.

- Comment connais tu ce nom ?

- La Guérisseuse me l’a dit en mourant…

- Sindar, il faut absolument que tu comprennes que certaines choses doivent rester là où elles sont, tu me comprends ?

Le Cirth avait perdu de son sourire sincère et amical.

Son visage affichait désormais la colère, la rage et la menace.

Le Cirth comme mu par une force maléfique, enserra tout d’un coup de son ami en lui chuchotant à l’oreille :

- Sindar, il faut absolument que tu comprennes que certaines choses doivent rester là où elles sont, tu me comprends ?

L’Hermite, tremblant de peur et le visage bleui par la souffrance de la poigne de fer du Cirth, hocha la tête.

L’étau se desserra enfin.

- Alors, Azog, le chemin s’arrête ici ou pas ?

- Non, Sindar, je suis chargé de t’envoyer à Blackcrow, sous bonne garde…

- Blackcrow ? C’est à ce point là que je suis gênant ?

Le Cirth sourit tristement…

- Tu n’es pas le seul à y aller…

- Ah ?

- Oui, Mirza Sherkim m’a notifié ce matin que j’étais nommé gouverneur de la citadelle…

- Normalement on n’envoie pas les gens comme toi là-bas. Et cela signifie un bannissement définitif et une mort assurée ! Pourquoi ?

- Je suis un soldat comme toi et j’obéis aux ordres … Surement mes méthodes trop brutales…

- Je vois … Ainsi donc le destin nous réunit à nouveau …

Azog Ikkath acquiesça sans rien dire.

Soudain, leur conversation fut brutalement interrompue par un membre de la Guilde des Hermites.

Les deux amis d’infortune se retournèrent et reconnurent avec stupéfaction le maréchal Enoch Helvinaqar, Gouverneur Supreme de la Guilde des Hermites.

Ils le connaissaient que trop bien.

L’un pour avoir été dans la même promotion que lui à Vorroz tandis que l’autre avait croisé maintes fois le fer pour des affaires de femmes.

C’était un Eredar, un peuple connu pour son attrait pour l’occultisme.

Sa famille était très riche, très puissante et très ancienne au sein de la Haute Société de Feldarin et on prêtait au maréchal une forte dose d’ambition et un gout immodéré du pouvoir et des intrigues.

- Ainsi donc le maréchal Ikkath et le commandant Sindar Feanor ! Quelles retrouvailles réjouissantes, je pourrai dire !

Et disant ces mots, le maréchal rit d’une manière étrange.

            Satisfait du petit effet qu’il avait provoqué autour de lui, il reprit.

- Décidément après votre ami, sa sœur … Décidément, commandant Feanor, le karma n’est pas de votre côté… J’imagine que vous n’avez pas vu l’assassin…

- Tout est passé si vite maréchal que je n’ai rien plus voir, je vous assure …

- La bonne excuse pour un enquêteur tel que vous ! Je pense que j’ai eu tort de vous confier cette mission ! Voyez comme vous êtes maintenant ! Surtout que votre tête a été réclamée !

Piqué au vif, l’Hermite se redressa sur son séant, les pupilles dilatées de colère.

- Pour avoir effectué mon travail, ma tête est réclamée ? J’imagine que vous le saviez comme pour Arun ?

Le maréchal Helvinaqar piqué au vif, s’apprêta à frapper au visage Sindar Feanor quand un Hermite accourut …

C’était le jeune capitaine Elias Lokken, un homme et certainement l’un des jeunes enquêteurs les plus prometteurs de sa génération.

C’était un loup aux dents longues un brin sadique mais au flair diablement redoutable !

- Patron, on a trouvé un truc qui pourrait vous intéresser sur la morte.

Enoch Helvinaqar haussa les épaules, regarda fixement le Cirth et le commandant Sindar Feanor et rejoignit le capitaine Lokken.

Sitôt que les deux se soient éloignés, le Cirth se rapprocha de l’Hermite.

- Un salopard, cet Eredar …

- Oui … Je le tiens pour responsable de ce merdier …

- Tu penses qu’il t’aurait jeté dans ce merdier en le sachant pertinemment ? 

- Je n’ai rien pour le prouver mais les Helvinaqar sont très liés au pouvoir à Héliopolis …  Ce n’est pas impossible qu’ils ont persuadé « le Lion Rouge » de t’évincer …

- Surement … Il va falloir que je t’emmène désormais …

Les Sentinelles avaient terminé leurs fouilles chaotiques de la pièce.

Certains s’étaient parés de pierreries tandis que d’autres avaient les poches emplies de pièces d’or, d’argent, de platine et de bronze.

Tous sans exception, empestaient l’indigo et l’ouroboros.

D’un signe de tête, Azog Ikkath désigna les deux Sentinelles, les plus valeureux de la troupe, le tout en muscles Erdan Fangor, un guerrier à la chevelure rousse et au corps torse nu couvert de cicatrices et l’indétrônable Kerin Esrith, un Cirth au crâne rasé et la mâchoire carnassière.

Sans la moindre délicatesse et non sans arracher des cris de douleur à Sindar Feanor, les deux Sentinelles empoignèrent l’Hermite et sous le regard inquisiteur de la guilde des Hermites, quittèrent le refuge de Mérian.

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